La Machine de Turing - L'Atelier Théâtre Actuel
Relais Culturel - Théâtre de Haguenau - 17 décembre 2024

Le mardi 17 décembre, l'Atelier Théâtre Actuel nous a offert un plongeon d'une rare poésie dans l'existence à la fois prodigieuse et tragique d'Alan Turing, éminent mathématicien britannique.

En préambule, nous avons été conviés à découvrir les arcanes du fonctionnement de la machine Enigma. Conçue en 1918 par Arthur Scherbius et Richard Ritter, cette invention, d'abord commercialisée, fut adaptée par l'armée allemande en une version militaire capable de chiffrer ses communications durant la Seconde Guerre mondiale. Par son ingénieux fonctionnement, Enigma générait un nombre astronomique de clés. Alan Turing, visionnaire de génie, réussit à percer son secret, une avancée majeure qui accéléra l’issue de la guerre de près de deux ans.

Sur les planches, Benoît Solès a incarné un Alan Turing authentique et bouleversant, offrant une performance d'une intensité déchirante. Dès l'ouverture, une phrase, « C'est l'histoire d'un homme qui court », constitue les prémices d'une plongée tourbillonnante dans l’effervescence de l’esprit de ce scientifique hors du commun. La dramaturgie de La Machine de Turing reflète le tumulte intérieur du personnage. Les transitions entre époques et lieux s’enchaînent avec une cadence effrénée, propulsant le spectateur dans un kaléidoscope émotionnel.

Au fil des rencontres – du Sergent Ross, lors d'une déposition, à l’éblouissant champion d’échecs Hugh Alexander, en passant par son amant Arnold Murray – se dessine le gouffre qui sépare Turing de la société de son temps. Cet esprit lumineux, mais profondément en décalage, trouvait refuge dans les chiffres et les équations infinies, s’éloignant d’un monde incapable de l’accepter. Certaines scènes évoquent le personnage interprété par Dustin Hoffman dans Rain Man, tant la complexité de Turing s'exprime dans une dualité constante entre génie et fragilité.

Benoît Solès livre une interprétation magistrale, entre humour subtil et tragédie latente, rendant chaque nuance de cet être aussi brillant qu’incompris. La pièce est empreinte de secrets du personnage, qu’il s’agisse de sa contribution décisive à l’histoire ou de son homosexualité, alors condamnée par la société.

La fin, annoncée avec une délicatesse presque onirique, s’inscrit dans les symboles : une pomme, allusion funeste, ou encore la mélodie mélancolique de « Un jour, mon prince viendra ». Brisé par une Angleterre puritaine des années 1950, Turing fut emprisonné pour son orientation sexuelle et choisit de mettre fin à ses jours, croquant une pomme empoisonnée, écho tragique à Blanche-Neige.

Précurseur visionnaire de l’intelligence artificielle, Alan Turing lègue à l’humanité un héritage considérable, celui d’un esprit ayant transcendé les limites de son temps, mais sacrifié sur l’autel de l’intolérance.

 

 

©Myriam Bastian -  Tous droits réservés.

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